The DIVI future theme ?

Distingués invités ! A vos rangs, grades et fonctions !

Mesdames ! Messieurs !

Après 60 années passées sous la domination coloniale et après sa participation à deux guerres mondiales avec le sacrifice que cela lui a coûté, la Guinée accéda à l’indépendance le 2 octobre 1958 et devint un ETAT-NATION.

Une indépendance acquise non sans difficultés, grâce à la lutte courageuse, au combat d’hommes et de femmes inspirés par un esprit de liberté et de progrès.

Ces pionniers connus ou anonymes dont il reste peu de survivants, ont déjà écrit leurs pages glorieuses dans notre histoire commune. Leurs noms et leurs œuvres resteront à jamais gravés dans nos mémoires. Nous leur rendons un vibrant hommage !

A l’image d’une flamme olympique qui se transmet d’un pays à un autre, d’une époque à une autre, ils nous ont transmis le flambeau de la REPUBLIQUE avec tous ses symboles à préserver et à défendre.

Dans le cadre de la consolidation des fondements et des acquis de cette République, il nous faut poursuivre leurs œuvres, avec la même détermination et le même esprit de combativité.

Pour cela, Dieu a doté notre pays de ressources humaines et matérielles inépuisables, à nous de les utiliser rationnellement.

Je salue à cet égard, la tenue de cette conférence qui a lieu à un moment décisif de l’histoire de notre pays, après différents régimes politiques passés, ayant chacun son bilan. Des bilans que nous devons assumer ensemble car nous parlons en termes de générations.

Que Guinean Young Leaders Initiative en soit vivement remerciée pour l’organisation de cette rencontre et avec elle, tous ceux qui ont contribué à quelque titre que ce soit.

Comme indiqué, l’objectif de cette conférence est de parler de PAIX, de RÉCONCILIATION et de DÉVELOPPEMENT en Guinée.

Trois concepts liés par une dialectique et ayant chacun son pesant d’or car :

– Sans paix, il n’y a pas de réconciliation !

– Sans réconciliation, il n’y a pas de paix !

– Sans paix et sans réconciliation, pas de développement !

– Sans développement, nos richesses n’auraient servi à rien.

La présente rencontre coïncide avec les Assises Nationales voulues par le Comité National du Rassemblement pour le Développement [CNRD], organe qui dirige la Guinée depuis le 5 septembre 2021.

Une initiative destinée à mettre ensemble les composantes sociales, politiques, professionnelles, confessionnelles et associatives de notre société dans l’unité de sa diversité, pour poser un diagnostic clair de nos problèmes, en vue d’apporter des solutions idoines.

La démarche de l’Association Guinean Young Leaders initiative s’inscrit dans ce cadre. Un bel exemple qui contraste cependant avec le négativisme de certains, qui ne voient la Guinée qu’en termes de scandales, de contradictions et de catastrophes, sans perspectives d’avenir.

Que l’Université Kofi ANNAN et son fondateur, Docteur Ousmane KABA trouvent ici les mêmes marques de considération, pour leur disponibilité à accueillir à tout moment des conférences, des colloques et des symposiums sur des thèmes d’intérêts scientifique, économique et culturel.

A travers elle, nous saluons toutes les Universités de Guinée qui sont des creusets du savoir et du renouveau au service du développement humain et économique de notre pays.

Notre plaidoyer auprès des pouvoirs publics est de renforcer le rôle des Universités publiques et privées, en leur donnant les moyens nécessaires à leur épanouissement, ainsi qu’au renforcement de leurs capacités de formation, afin que les jeunes diplômés soient plus compétitifs sur le marché de l’emploi en Guinée et ailleurs.

  • Mesdames ! Messieurs !

La présente rencontre n’est pas une de trop. Au contraire, elle est une rencontre opportune qui a une valeur ajoutée dans le contexte socio-politique actuel de la Guinée.

Cette valeur ajoutée peut être résumée par une citation de l’écrivain Joseph Konda MAMBOU qui dit : […Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront toujours à glorifier les chasseurs…]

Allons-nous donc laisser la plume à d’autres pour écrire l’histoire de la Guinée à notre place ? Bien entendu que non ! Toute contribution dans ce cadre doit être complémentaire des efforts des Guinéens.

Pour revenir à notre conférence, notre thème de causerie porte sur les devoirs de l’Etat pour la sécurisation des citoyens et la protection de leurs biens.

Toutefois, en raison du fait que ce thème se rapporte à des concepts comme celui de l’Etat, de la Nation, de la Démocratie, et des Droits de l’Homme au sujet desquels les avis divergent, j’ai estimé utile que nous parlions d’abord de l’Etat dont il est question comme produit de l’évolution de la société humaine avant de parler de ses devoirs.

Je parle sous le contrôle des juristes qui sont dans cette salle, notamment des spécialistes du droit constitutionnel, de la théorie de l’Etat et du Droit, de l’histoire de l’Etat et du Droit.

En effet, la question très complexe de l’Etat mérite d’être abordée sous l’aspect historique, juridique, sociologique et organisationnel.

On retient que du point de vue historique, l’Etat est né avec la division sociale du travail et l’apparition de la propriété privée sur la terre et les instruments de travail. Ce qui posa désormais des problèmes de gestion et d’administration dans la cité qui n’existaient pas sous la Communauté primitive.

C’est ainsi, que l’Etat s’est développé sous les formations socio-économiques postérieures, entendues les sociétés esclavagiste, féodale, capitaliste et socialiste.

Sur la question, Karl Marx et Frederic Engels ont indiqué que « L’Etat est un produit de l’évolution de la société à classes dont les intérêts sont antagoniques. D’où le besoin d’avoir un pouvoir pour estomper les conflits, les maintenir dans les limites de l’ordre et ce pouvoir né de la société, c’est l’Etat.

Du point de vue juridique, l’Etat est l’ensemble des pouvoirs régaliens, des instruments de coercition que dispose la classe dirigeante pour se maintenir, pour administrer ses citoyens, faire prévaloir l’intérêt général et le bien public.

Ces fonctions, l’Etat les exerce à travers des institutions qui sont en effet ses composantes comme l’Armée, la Police, la Gendarmerie, la Justice, les Tribunaux, les Prisons, les Services d’inspection, les pouvoirs territoriaux dont l’organisation varie d’un pays à un autre, d’un régime à un autre et d’une époque à une autre.

Pour une reconnaissance sur le plan international, un Etat doit donc avoir un territoire déterminé, une population résidant sur ce territoire, une forme minimale de gouvernement et la capacité à entretenir des relations avec d’autres Etats.

Du point de vue sociologique, on retient que l’Etat est composé d’une population vivant sur un même territoire et qui est soumis à un gouvernement constitué. Dans la plupart des cas, cette population est multiethnique, linguistique, culturelle et confessionnelle.

Du point de vue organisationnel, l’Etat est une forme  d’institution que la société utilise pour se gérer et s’orienter.

Toutefois, il y a lieu d’indiquer que la notion d’Etat n’est pas forcément synonyme de celle de la Nation et vice-versa, sauf dans le modèle d’Etat-Nation.

S’agissant des formes de l’Etat, on retient qu’il existe deux types. La forme d’Etat simple ou unitaire et la forme d’Etat fédéré qui peut prendre différentes appellations.

Par exemple, la Guinée, le Mali, le Sénégal sont des modèles d’États unitaires, tandis que le Nigeria, l’Ethiopie, la Tanzanie en Afrique, l’Allemagne, la Russie, la Suisse en Europe, les Etats-Unis d’Amérique sont des modèles d’Etats fédérés.

Dans tous ces types d’Etats constitués, il existe trois pouvoirs [Pouvoir législatif, pouvoir exécutif et pouvoir judiciaire], ayant chacun son domaine d’action et dont les rôles sont complémentaires dans la République.

Ces fondements de ce qu’on appelle lEtat de droit, appellent normalement au respect de la hiérarchie des normes, à l’égalité des citoyens devant la loi, à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance des juges.

La séparation des pouvoirs apparaît donc dans l’Etat de droit comme le corollaire indispensable pour assurer la protection des droits naturels conférés à l’homme.

Le contrôle mutuel des trois pouvoirs les uns envers les autres préserve le citoyen des abus et de toutes autres formes d’atteintes à ses droits fondamentaux définis dans la constitution.

De tous les temps, le concept de démocratie a toujours ou du moins souvent suscité des polémiques entre les courants idéologiques à travers le monde. Chacun se disant être le meilleur système par rapport aux autres.

Sur cette question, l’ancien Président du Conseil constitutionnel de la France, Robert Badinter tranche en disant : Qu’il ne peut y avoir de modèles d’États et de démocraties ou de recettes universelles, mais des principes, des expériences et des conséquences beaucoup plus significatifs que l’histoire a permis de dégager et sur lesquels on peut se baser pour construire et parfaire un Etat de droit.

Il établit en outre, une différence entre « L’Etat de droit simple » et « L’Etat de droit démocratique ». D’après lui, il y a un Etat de droit, dès lors qu’il existe un Gouvernement, des lois, des institutions et des mécanismes pour les appliquer. Mais, que cela ne fait pas de tout Etat, un Etat de droit démocratique.

Il précise [Qu’il y a un Etat de droit démocratique, lorsqu’il existe un Gouvernement, des lois, des institutions et des mécanismes pour les appliquer et une séparation effective des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire].

Du constat général, le principe de la séparation des pouvoirs est inscrit dans la constitution de presque tous les pays qui se disent démocratiques. Toutefois, on se demande dans combien de pays au monde il existe réellement des Etats de Droit démocratique sans interférence entre les trois pouvoirs ? Il ne saurait y avoir de réponses toutes faites et unanimes à cette question dans cette salle.

Sur la même question de démocratie, le point de vue de l’ancien Président de la République Tchèque Vaclav Havel est aussi intéressant à citer. C’est lui qui, en 1990 déclara au Congrès américain citation : La démocratie n’est jamais achevée, mais tout le monde cherche à la perfectionner. Les États-Unis d’Amérique n’ont qu’un seul avantage, c’est celui d’avoir l’expérience de deux siècles ininterrompus sur cette voie.

Après cette analyse sommaire, revenons-en à la Guinée, pour voir quel type d’Etat, de Régime et de démocratie existe ou a existé ? Comment l’Etat assure la défense du pays, la protection des citoyens et leurs biens ?

En effet, les constitutions de 1958, 1982, 1990, 2010 et 2020 définissent la nature du régime et de l’Etat guinéen comme suit :

1. La constitution de 1958 stipule en son article premier que la [Guinée est une République démocratique, laïque et sociale]

2. La constitution de 1982 stipule en son article premier que la Guinée est une [République Populaire Révolutionnaire dirigée par le Parti Démocratique de Guinée [PDG-RDA], expression suprême de la force politique du pays]

3. La constitution de 1990 stipule en son article premier que la Guinée est une [République unitaire, indivisible, laïque, démocratique et sociale]

4. La constitution de 2010 stipule en son article premier que la Guinée est une [République unitaire, indivisible, laïque, démocratique et sociale]

5. La constitution de 2020 stipule en son article premier que la Guinée est une [République unitaire, indivisible, laïque, démocratique et sociale]

Comme on le constate, en dépit des vicissitudes de l’histoire de la Guinée qui a connu 5 constitutions en 64 ans sous 2 régimes civils et 3 régimes militaires, il n’y a pas de contradiction quant à la nature du régime.

De ce qui précède, la Guinée fut et est indéniablement un Etat de droit, quel que soit ce qu’on peut reprocher aux régimes politiques successifs sur leurs gouvernances et sur leurs bilans.

La réponse à la question de savoir, s’il a existé ou s’il existe un Etat de droit démocratique en Guinée est à nuancer. Car, force est de reconnaître que la séparation des pouvoirs n’a pas toujours été effective.

L’exécutif sous les différents régimes est toujours resté à la manœuvre et à la commande, de sorte qu’aucun Chef d’Etat en exercice en Guinée, n’a été contrarié et encore moins désavoué par le pouvoir législatif ou judiciaire.

A la question de savoir s’il a existé ou s’il existe en Guinée un régime de dictature en tant que tel ? Ma réponse est NON. Car, tous les symboles de l’Etat de droit ont toujours existé bien qu’avec des failles souvent constatées dans le fonctionnement de l’appareil de l’Etat.

Au regard des mêmes argumentaires, la Guinée est un Etat-Nation et non une Nation dans le sens classique de ce mot. De 1958 à 1984, de réels efforts ont été réalisés pour le renforcement des fondements de cet Etat-Nation.

Toutefois, depuis l’instauration du multipartisme en Guinée, dans les années 1990, les tensions sociales et politiques ont créé un climat de méfiance entre les communautés au point de freiner cet élan.

Sous la première République de 1958 à 1984, il a existé un Etat d’inspiration socialiste avec le marxisme-léninisme comme philosophie et idéologie.

Suite au changement de régime intervenu en 1984, la Guinée changea d’orientation politique et devint un Etat libéral sur le plan politique et économique.

Le pays passa alors du système de démocratie populaire avec un parti unique qui était le [PDG-RDA] à celui de démocratie libérale sans limitation du nombre de partis politiques.

En guise de rappel, il existe au jour d’aujourd’hui 184 partis politiques agréés en Guinée pour une population estimée à 13.000.000 d’habitants dont les 2/3 sont en dessous de l’âge de voter.

Avec la nouvelle donne et l’échéance qui s’annonce à la fin de la transition en cours, on peut imaginer que le nombre des partis politiques va croître sûrement.

On se demanderait alors si la création de partis politiques en Guinée n’est pas devenue un fonds de commerce sans capital garanti ?  En tout cas, tout prête à croire !

A propos du caractère laïque de l’Etat guinéen, il faut préciser que cette laïcité est relative au regard de la dimension de la religion dans notre société où près de 99% de la population sont des croyants, musulmans et chrétiens.

Aussi, à toutes les échelles de l’administration en commençant par le Gouvernement jusqu’aux structures de base, les deux religions ont des répondants.

Après avoir défini la forme de l’Etat en Guinée et ses nuances sous la Ière, la IIème, la IIIème et la IVème République qui n’exista que pendant huit [8] mois, voyons-en quels sont ses devoirs vis-à-vis des citoyens et la protection de leurs biens.

L’Etat guinéen comme tout autre Etat a la mission classique d’assurer :

1. la sécurité et la protection du territoire national ;

2. la défense des institutions et des intérêts nationaux à l’intérieur comme à l’extérieur du pays ;

3. le respect de l’application des lois par tous sans distinction ;

4. le maintien de la paix sur le territoire national ;

5. le maintien et le rétablissement de l’ordre public ;

6.  la protection des personnes et de leurs biens.

L’Etat guinéen a l’obligation de garantir d’autres droits aux citoyens comme :

–  Les droits civiques dont le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité, à l’intégrité physique de la personne, l’inviolabilité du domicile, le secret de la correspondance et des communications, la présomption d’innocence, le droit à l’éducation.

– Les droits politiques dont l’égalité devant la loi, l’égalité en droit entre homme et femme, la liberté d’opinion, de presse, d’association, de réunion, de cortège, de manifestation et le droit de vote.

– Les droits économiques, sociaux et culturels dont le bien être, le droit au travail, le droit à l’instruction, le droit à l’usage de la langue maternelle.

Tous ces droits énoncés et garantis par la constitution, l’Etat a l’obligation de les respecter, car il est lui-même justiciable.

Dans le cadre du respect de la norme des droits humains, l’Etat ne doit pas tolérer de procès injustes, ni admettre de justice pour soi. Il ne doit tolérer aucune forme de torture, ni de traitement humiliant ou dégradant.

Toutefois, étant donné qu’aucun régime politique dans le monde n’est parfait à 100%, les régimes successifs guinéens ont sans nul doute leurs pages noires que notre désir commun de vivre ensemble, dans la paix et dans l’harmonie nous oblige à regarder avec discernement.

Si l’Etat a des obligations comme nous venons de voir, il va sans dire que le citoyen en tant qu’acteur de la vie de la Nation a lui aussi des devoirs envers l’Etat et la communauté nationale. C’est ainsi qu’il doit :

–  participer à la défense de la Nation en toute circonstance ;

–  respecter la loi et contribuer à la faire respecter ;

–  participer au fonctionnement de la justice ;

–  respecter ses droits et ses devoirs électoraux ;

– être loyal envers la communauté nationale ;

– participer au fonctionnement de la démocratie dans le pays ;

–  payer ses impôts dus à l’Etat et ou aux collectivités.

Mon mot de conclusion est une observation qui s’adresse aux leaders politiques et à tous leaders d’opinion, pour dire que dans leurs discours, ils parlent rarement de la REPUBLIQUE.

Pourtant, cette référence à la République éviterait de sectariser les discours. Ainsi chaquecitoyen, même celui qui ne militent pas dans leurs partis pourra trouver son compte.

Les symboles de la République et de la Nation doivent être des lignes rouges. Comme par exemple sous la première République en Guinée, c’était la REVOLUTION qui était une Ligne Rouge. Révolution au nom de laquelle tout se faisait et tout se disait.

Certes, on peut être tenté d’assimiler cela à la dictature. Mais quand même, il y avait une barrière qui imposait des normes de comportements citoyens.

Je pose la question de savoir sous la 2ème, la 3ème et l’éphémère 4ème République, quel est le mot sacré, l’idéal commun pour tous les guinéens ? Qu’on me le dise !

L’exemple de la France un Etat-Nation multiethnique, culturel, linguistique et confessionnel, avec un système politique très hétéroclite et complexe est intéressant à cet égard.

Dans ce pays où le clivage politique est remarquable, chaque citoyen est cependant attaché à la République qu’il aime, respecte et défend au nom de l’identité française.

L’Etat français vole au secours de tous ses sujets, citoyens de souche ou non à travers le monde, quel que soient la nature et la gravité des actes qu’ils auraient commis.

De la même manière en Guinée, l’idéal commun et la référence doit être la REPUBLIQUE que chacun doit aimer, défendre et servir.

Les discours publics modérés et leurs auteurs doivent contribuer à l’éducation civique de la population. Ce qui donne du crédit à la politique qui ne doit pas être un métier d’amateur.

Je dis enfin à notre jeunesse, que l’héritage de la Guinée est lourd. Il l’appartient alors de prendre sa place et toute sa place dans le débat national et jouer son rôle dans la construction de la Nation à toutes les étapes et dans tous les secteurs.

JE VOUS REMERCIE

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