Thème: L’égalité est au cœur des droits de l’homme
GENÈVE (9 décembre 2021) – « Ces deux dernières années ont tristement illustré le coût intolérable des inégalités croissantes. Des inégalités que la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale il y a 73 ans, le 10 décembre 1948, visait à éradiquer dans ses efforts pour bâtir un monde meilleur.
Les décennies qui ont suivi ont été marquées par des progrès très importants – des progrès certes graduels, inégaux, avec des reculs fréquents, mais des progrès malgré tout. De manière globale, le monde s’est enrichi et l’espérance de vie a augmenté. Plus d’enfants sont allés à l’école et davantage de femmes ont pu acquérir une plus grande autonomie. Un plus grand nombre de personnes dans davantage de pays ont pu briser les chaînes de la pauvreté, des classes, des castes et des inégalités liées au genre.
Cependant, au cours des vingt dernières années, depuis 2001, une succession de chocs mondiaux a ébranlé ces progrès. Et l’apparition de cette pandémie dévastatrice en 2020 a mis à nu bon nombre de nos échecs pour consolider les avancées que nous avions réalisées.
Les inégalités ont aggravé la pandémie et continuent de le faire. À son tour, la pandémie a suscité une augmentation effrayante des inégalités, entraînant des taux de transmission et de mortalité disproportionnés dans les communautés les plus marginalisées, tout en contribuant à l’augmentation des niveaux de pauvreté, à l’aggravation de la faim et à l’effondrement du niveau de vie. Ceux-ci risquent à leur tour d’alimenter les rancunes, les troubles sociaux, voire un véritable conflit.
Les femmes, les travailleurs à faible revenu et ceux du secteur informel, les jeunes et les personnes âgées, les personnes handicapées, ainsi que les membres des minorités ethniques, raciales et religieuses et les peuples autochtones sont parmi les plus durement touchés, entraînant des inégalités fondées sur l’âge, le genre et la race encore plus grandes.
Les inégalités se sont creusées tant au sein des pays qu’entre eux. Selon les prévisions, la plupart des pays développés devraient connaître une croissance en 2022, tandis que les pays aux revenus les plus faibles devraient connaître une récession continue, creusant encore davantage le fossé entre leurs populations.
Cet écart a été exacerbé par les inégalités choquantes en matière de couverture vaccinale – au 1er décembre, à peine 8 % des adultes avaient reçu une dose de vaccin dans les familles à faible revenu, contre 65 % dans les pays à revenu élevé – et par l’insuffisance des protections sociales, qui, dans le monde développé, ont permis à de nombreuses personnes de surmonter les pires mois de la crise. En Europe par exemple, selon le FMI, au moins 54 millions d’emplois ont été soutenus entre mars et octobre 2020, empêchant ainsi des personnes et des entreprises de sombrer. Ces aides étaient moins importantes dans d’autres régions.
La crise environnementale exacerbe la discrimination, la marginalisation et les inégalités. Au total, 389 catastrophes liées au climat ont été enregistrées en 2020, entraînant la mort de plus de 15 000 personnes, affectant 98 millions d’autres personnes et infligeant 171 milliards de dollars de dommages économiques. Les migrations liées au climat sont également en hausse. Les mesures prises pour faire face à ces crises ne suffisent pas à éviter ces conséquences dévastatrices pour les droits de l’homme, les communautés touchées étant souvent exclues des processus décisionnels en matière d’environnement, alors que leur contribution est essentielle.
Une crise croissante de la dette pèse également sur de nombreux pays. Plus de la moitié des pays les moins avancés et des pays à faible revenu dans le monde sont actuellement en situation de surendettement ou risquent fortement de l’être. En Afrique de l’Est et en Afrique australe, les coûts liés au service de la dette sont passés en moyenne de 60 % du PIB en 2018 à près de 70 % du PIB en 2021. Cette situation est due en partie à la forte contraction de l’activité économique et à la chute des prix des produits de base. La nécessité de rembourser les prêts a déjà conduit à des mesures d’austérité budgétaire qui limiteront la marge de manœuvre budgétaire pour des investissements clés dans les droits et la reprise durable.
Les budgets d’austérité visent souvent la santé, l’éducation, les investissements dans les infrastructures et les efforts de réduction de la pauvreté. Ils ont un impact disproportionné sur les personnes en situation de vulnérabilité, ce qui accroît des inégalités déjà criantes.
La situation mondiale actuelle est critique. L’humanité est sous le choc des reculs provoqués par la COVID-19 et a du mal à opérer les changements radicaux nécessaires pour éviter une nouvelle catastrophe écologique.
Pourtant, les mesures nécessaires pour éviter des changements climatiques catastrophiques sont bien connues. Et même dans les environnements où les ressources sont limitées, nous avons les connaissances et les moyens d’établir des mesures de protection sociale universelle et d’agir pour mettre fin à la discrimination, faire progresser l’état de droit et faire respecter les droits de l’homme.
Le Programme commun lancé par le Secrétaire général des Nations unies en septembre 2021 appelle à une solidarité renouvelée entre les peuples et les générations futures ; à un nouveau contrat social ancré dans les droits de l’homme ; à une meilleure gestion des questions essentielles concernant la paix, le développement, la santé et notre planète ; et à un multilatéralisme revitalisé capable de relever les défis de notre époque.
Il s’agit d’un programme d’action, et d’un programme axé sur les droits.
Cela signifie qu’il faut passer des mesures temporaires de lutte contre la pandémie visant à consolider les soins de santé et la protection des revenus à des investissements à long terme dans les protections sociales universelles – notamment la couverture sanitaire universelle – ainsi que dans l’accès à un logement convenable, à un travail décent et à une éducation de qualité. Cela signifie aussi qu’il faut investir pour combler la fracture numérique.
Cela signifie qu’il faut mener une action décisive pour faire respecter la justice climatique et le droit universel à un environnement sain.
Cela signifie qu’il faut donner aux gens, où qu’ils soient, les moyens de s’exprimer librement et de protéger l’espace civique afin que chaque personne puisse participer utilement aux décisions qui peuvent avoir un impact considérable sur sa vie.
L’égalité est au cœur des droits de l’homme, et au cœur des solutions requises pour nous permettre de traverser la crise mondiale actuelle. Cela ne veut pas dire que nous devons tous avoir la même apparence, penser la même chose ou agir de la même façon.
Bien au contraire.
Cela signifie que nous acceptons notre diversité et exigeons que tout le monde soit traité sans aucune discrimination.
L’égalité est une question d’empathie et de solidarité. C’est aussi comprendre que, du fait de notre appartenance commune à l’humanité, la seule manière d’avancer est d’œuvrer ensemble pour le bien commun. Cela a été bien compris pendant les années de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale – les années qui ont vu l’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’élaboration ultérieure du système généralisé du droit international des droits de l’homme. Toutefois, notre incapacité à « reconstruire en mieux » après la crise financière d’il y a dix ans, associée aux bouleversements socioéconomiques causés par la COVID-19 et aux effets des changements climatiques qui s’accélèrent rapidement, suggère que nous avons oublié les solutions claires et reconnues ancrées dans les droits de l’homme et l’importance de la lutte contre les inégalités. Des solutions que nous devons remettre au premier plan si nous voulons continuer à progresser – non seulement pour ceux qui souffrent des inégalités flagrantes qui frappent notre planète, mais aussi pour nous tous.
En cette Journée des droits de l’homme, je vous invite tous à vous joindre aux efforts visant à renforcer l’égalité pour tous, partout, pour que notre reprise face à la crise soit meilleure, plus juste et plus verte, et pour reconstruire des sociétés plus résilientes et durables. »
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