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LE BURKINA FASO A CONNU, VENDREDI 30 SEPTEMBRE, UN SECOND COUP D’ETAT EN HUIT

Un énième coup de force en Afrique de l’ouest. La République du Burkina Faso a connu  un second coup d’Etat en huit mois, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba ayant été démis de ses fonctions par des militaires. Ce dernier, arrivé au pouvoir par un putsch fin janvier, paie son échec à enrayer la violence terroriste. La situation reste volatile : les putschistes ont accusé, ce samedi dans une allocution télévisée, l’ex-homme fort du Burkina Faso de « planifier une contre-offensive » depuis la base française de Kamboisin. 

Le ministère des Affaires étrangères français « dément formellement toute implication dans les évènements en cours depuis hier au Burkina », a-t-il indiqué dans un communiqué. « Le camp où se trouvent nos forces françaises n’a jamais accueilli Paul-Henri Sandaogo Damiba, pas davantage que notre ambassade. » Dimanche 2 octobre, des grenades de gaz lacrymogène ont été tirées de l’intérieur de l’ambassade de France, à Ouagadougou, pour disperser des manifestants soutenant le putschiste autoproclamé Ibrahim Traoré, a constaté un journaliste de l’AFP. 

En ajoutant les deux putschs au Mali et celui en Guinée, c’est le cinquième coup d’Etat en Afrique de l’Ouest depuis 2020.  

·         Que s’est-il passé vendredi 30 septembre ?

Après une journée émaillée de tirs dans le quartier général de la présidence à Ouagadougou, une quinzaine de soldats en treillis et pour certains encagoulés ont pris la parole, peu avant 20h, sur le plateau de la radiotélévision nationale. « Le lieutenant-colonel Damiba est démis de ses fonctions de président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration » (MPSR, organe dirigeant de la junte), ont déclaré les militaires dans un communiqué lu par un capitaine.   Le nouvel homme fort du pays, désigné président du MPSR, est désormais le capitaine Ibrahim Traoré. Cet homme de 34 ans était jusqu’à présent le chef de l’unité des forces spéciales antijihadistes « Cobra », créée en 2019, dans la région de Kaya (nord) Désaccords au sein de l’armée  et il était jusqu’à présent le chef de corps du régiment d’artillerie de Kaya, dans le nord du pays, particulièrement touché par les attaques djihadistes. Fait notable, le chef d’état-major des armées lui a apporté son soutien dans une déclaration relayée sur la page facebook de la Radiodiffusion-Télévision du Burkina dimanche soir. « La chaîne du commandement militaire des forces armées nationales apporte son soutien à la vision du nouveau MPSR concernant la défense et la sécurité des populations », dit le texte

·         Le contexte sécuritaire a-t-il joué un rôle ?

« Le président Damiba ne pouvait pas résoudre le problème sécuritaire du pays par manque d’expérience et de volonté, or, c’était pour ça qu’il avait pris le pouvoir. Il se trouvait dans une impasse », explique à L’Express Thierry Vircoulon, chercheur à l’IFRI. Pour justifier leur coup de force, les putschistes ont invoqué « la dégradation continue de la situation sécuritaire » dans le pays, alors que Paul-Henri Damiba avait promis de hisser la question de la sécurité au sommet de ses priorités.  

Huit mois plus tard, son bilan reste mitigé. Des attaques meurtrières, touchant des dizaines de civils et de soldats, se sont multipliées dans le Nord et l’est, où des villes sont désormais soumises à un blocus des jihadistes, qui font sauter des ponts à la dynamite. Djibo, ville du nord du pays qui abritait l’un des plus grands marchés à bétail de la région, est assiégée depuis sept mois par des groupes armés islamistes.  

Les jihadistes attaquent également les convois de ravitaillement, deux ont été pris pour cible en septembre, avec, à chaque fois, un bilan lourd. Trente-cinq civils, dont de nombreux enfants, sont morts dans l’explosion d’un engin improvisé le 5 septembre. Et lundi 26 septembre, onze soldats ont été tués et 50 civils portés disparus dans l’attaque de leur convoi. Symbole d’une situation explosive, le lieutenant-colonel Damiba avait limogé son ministre de la Défense pour assumer lui-même ce rôle, le 13 septembre. En juin, le médiateur de l’Afrique de l’Ouest pour le pays déclarait que les autorités burkinabées ne contrôlaient que 60 % du territoire.  

·         Peut-on aussi attribuer ce coup d’Etat aux divisions dans l’armée ?

Dans la journée du vendredi 30 septembre, le porte-parole du gouvernement Lionel Bilgo avait mentionné « une crise militaire » sur des « revendications liées à des primes ». Certaines unités de la gendarmerie, selon Le Faso, « s’estiment mal équipées pour faire face conséquemment aux attaques terroristes ». Parmi elles, l’unité Cobra qui s’est mutinée pour réclamer de meilleures conditions de vie et de travail. 

Il existait des tensions au sein de l’armée burkinabé qui a connu par le passé de nombreuses mutineries », souligne Thierry Vircoulon, évoquant les rivalités entre la garde présidentielle et l’unité des forces spéciales Cobra, originaire du putsch. « Aussi, le président Damiba avait nommé des proches à des postes de responsabilité et les forces spéciales se sentaient marginalisées », complète-t-il. Divisées et corrompues depuis longtemps, certaines unités de l’armée y ont vu l’opportunité de prendre les armes. 

Selon le site Mondafrique, Paul-Henri Damiba et ses frères d’armes paieraient aujourd’hui les conséquences de ne pas avoir « revu les dysfonctionnements de l’armée », et pas davantage « amélioré les conditions des soldats qui s’attendaient pourtant à de profonds changements avec des militaires au pouvoir ». À cela, s’ajoute l’augmentation des rémunérations des ministres burkinabé, pendant qu’une partie de la population est menacée par l’insécurité alimentaire, attisant un peu plus la colère des troupes. 

·         Quelles ont été les réactions à l’international ?

Dans un communiqué, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) – dont le Burkina est suspendu des instances depuis le coup d’Etat de janvier – a « condamné avec la plus grande fermeté la prise de pouvoir par la force qui vient de s’opérer ». Samedi 1er octobre, c’était au tour du président de la Commission de l’Union africaine (UA), le Tchadien Moussa Faki Mahamat, de réprouver au « changement anticonstitutionnel de gouvernement » au Burkina Faso.  

L’Union européenne a, de son côté, exprimé ses « inquiétudes ». Même sentiment pour les Etats-Unis,qui se sont dits « extrêmement inquiets » par la situation à Ouagadougou et qui ont appelé leurs citoyens à limiter leurs déplacements. Le coup de force « met en danger les efforts engagés depuis plusieurs mois, notamment de la part de la Cédéao, afin d’encadrer la Transition », a déploré le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, dans un communiqué.  

·         Quel avenir pour le Burkina Faso ?

Les putschistes ont promis de convoquer « incessamment les forces vives de la Nation » afin de désigner un « nouveau président du Faso, civil ou militaire ». En attendant, la nouvelle junte a suspendu la constitution et dissous le gouvernement et l’assemblée, sans se prononcer sur le calendrier de la transition qui avait fait l’objet d’un accord avec la Cédéao et prévoyait un retour au pouvoir des civils en juillet 2024. Plusieurs grands axes de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, étaient bloqués samedi midi par des militaires. Le sort de Paul-Henri Sandaogo Damiba restait inconnu vendredi soir, précise l’AFP.