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La présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée, Marine Le Pen, est déterminée à peser dans les débats. Avec 89 députés et un parti en pleine relance, elle en a les moyens.

Bilan de l’élection présidentielle ; succès inattendu aux élections législatives ; bras de fer avec le gouvernement sur le budget, la crise énergétique, la réforme des retraites ; concurrence de la Nupes et des Républicains ; futur du Rassemblement national… Marine Le Pen donne le ton pour la rentrée. La présidente du nouveau groupe RN à l’Assemblée est résolue à taper fort.

Quel bilan tirez-vous de la présidentielle ?

Qu’on peut gagner ! Qu’on se rapproche de plus en plus du pouvoir ! On a beaucoup travaillé pour ça. Ce n’est donc pas une surprise pour moi. Je suis partie à la présidentielle pour gagner. Ça n’a pas été le cas la dernière fois, mais nous avons atteint un niveau électoral qui nous permet d’envisager l’arrivée au pouvoir dans des délais relativement brefs. L’inconséquence, l’irresponsabilité et l’effondrement du pays, qui sont la marque de la Macronie, ajoutent à cet optimisme.

Qu’est-ce qui vous permettrait de franchir le cap de la victoire ? Qu’est-ce qui manque encore ?

C’est toujours difficile à dire. S’il y avait une recette, tout le monde la mettrait en œuvre. Ce sont peut-être les 89 députés que nous avons aujourd’hui. Les Français ont exprimé, pour une partie importante d’entre eux, une confiance à mon égard, mais il était essentiel qu’ils puissent voir dans un certain nombre d’autres personnalités un potentiel gouvernement.

« Nous avons fait exploser un plafond de verre »

Vous vous présenterez en 2027 ?

Il est encore beaucoup trop tôt pour savoir qui portera nos couleurs dans cinq ans. Il ne faut jamais dire jamais en politique, mais il faudrait vraiment des circonstances exceptionnelles pour que je reparte pour une quatrième présidentielle. Tout ceci sera réfléchi et discuté le moment venu.

Même si Louis Aliot a récemment dit que vous étiez la meilleure candidate pour 2027 ?

Je l’en remercie. Je remercie aussi Jordan Bardella pour la confiance qu’il me fait. Nous avons lutté ensemble pendant de nombreuses années. Nous allons continuer à le faire. La question est de savoir à quel poste.

Doit-on pouvoir révoquer les élus ?

Avoir 89 députés change tout : la visibilité du parti à l’Assemblée, comme ses finances ?

Bien sûr, mais au-delà de l’aspect un peu trivial des finances – on a l’habitude d’être un parti pauvre, donc on sait faire sans beaucoup – ce qui est très intéressant c’est que nous avons réussi à faire exploser un plafond de verre. Contre l’ambition des autres forces politiques, qui était de nous réduire au silence.

« L’Assemblée nationale n’est pas un lieu de bouffonnerie »

Beaucoup de ces nouveaux députés sont inexpérimentés. Comment les formez-vous ?

Ce n’est pas si vrai en réalité, parce que la très grande majorité des nouveaux députés ont une très bonne connaissance du travail d’assemblée. Ils étaient déjà élus pour beaucoup.

Mais ils n’ont pas l’expérience de l’Assemblée nationale ?

Que l’on soit dans un conseil municipal, un conseil régional ou à l’Assemblée nationale, c’est à peu près le même travail. On l’a vu d’ailleurs. Nos députés ont été jetés dans le grand bain avant d’avoir reçu la moindre formation. Et j’ai été très fière de la manière dont ils se sont comportés. Notre groupe est plus aguerri, individuellement et collectivement, que ne l’était le groupe du président Macron lors de la dernière mandature, avec beaucoup de gens qui n’avaient jamais fait de politique.

Certains vous trouvent un peu trop sages, trop lisses par rapport aux Insoumis. Pourquoi cette tactique ?

Je ne considère pas que l’Assemblée nationale soit un lieu de bouffonnerie. J’ai un immense respect pour l’Assemblée qui est, pour moi, le lieu sacré de la démocratie. Les représentants du peuple doivent y avoir un comportement irréprochable, dans leur tenue, leurs comportements individuels et la manière de défendre leurs idées. La bouffonnerie permanente qui consiste à transformer l’Assemblée en AG de Tolbiac n’est, effectivement, ni notre culture, ni notre volonté. Ce qui ne nous empêche pas d’être très fermes dans nos positions et de défendre l’intérêt de la France et des Français.

« Le CNR, énième gadget pour contourner la Constitution »

Voterez-vous certains projets du gouvernement au nom de cet intérêt général ? Y compris le budget ?

Il y a quand même très peu de chances pour que nous ayons un vote positif sur le budget. Il est l’expression des choix politiques d’un gouvernement. Le budget, c’est l’immigration, la sécurité, la justice, l’école, la santé. Nous sommes en désaccord total avec l’ensemble des mesures et des moyens qui sont mis en œuvre par Emmanuel Macron dans ces domaines.

Vous craignez l’utilisation du 49-3 ?

Je ne crains rien, non. Notre constitution, que je respecte totalement, permet au gouvernement d’utiliser le 49-3, mais ce serait une marque de faiblesse. La démonstration qu’ils ont perdu les élections législatives, ce qu’ils ont du mal à reconnaître. On le voit avec le Conseil national de la refondation (CNR). J’ai dit clairement au président Macron que je n’y participerai pas. La démocratie, c’est de débattre avec ceux que le peuple a choisis.

Le CNR ouvre pourtant le débat à la société civile ?

Mais ça existe déjà, ça, et ça s’appelle le Cese. La société civile est représentée par le Conseil économique, social et environnemental. Créer un énième gadget sur le mode du grand débat, pour essayer de contourner la Constitution française, est une faute. J’ai réclamé la tenue d’une session extraordinaire à l’Assemblée pour débattre des problèmes énergétiques. Je n’ai pas eu de réponse. C’est un sujet fondamental, qui touche à notre souveraineté, à notre mode de vie, à notre vitalité économique, mais on passe par un conseil de défense secret, à huis clos. Ce n’est pas admissible. Ce n’est pas un fonctionnement démocratique normal.

« Nos députés ont été élus sur un programme extrêmement clair. » | MATHIEU PATTIER / OUEST FRANCE

« Sur l’énergie, c’est la réutilisation de la méthode McKinsey »

Appliquer les méthodes de la gestion de la crise Covid – conseils de défense, points presse réguliers – à la crise énergétique, c’est une bonne méthode ?

C’est la réutilisation de la méthode McKinsey. Avec, en prime, une infantilisation des Français. On nous traite comme des gamins de quatre ans, à coups de mensonges majeurs.

À quels « mensonges majeurs » pensez-vous ?

Je pense déjà à Fessenheim. Le Président a menti de manière éhontée.

Il a menti ou il a changé d’avis au regard de la situation ?

Non, il a menti.

Vous êtes toujours farouchement opposée aux éoliennes ?

Ça aussi, c’est un beau mensonge ! Prenez le parc éolien de Saint-Nazaire. On nous avait annoncé qu’on ne verrait que très peu les éoliennes à l’horizon, que ça n’aurait aucune influence sur le paysage, alors qu’on les voit de partout, même de La Baule. Et Emmanuel Macron prévoit la création de 50 parcs de ce type ! Il a abîmé notre vie économique, notre vie sociale, notre vie démocratique, et il abîme même nos paysages. Les conséquences de son règne sont dramatiques.

« Ceux qui nous dirigent ont ’tiermondisé ’ la France »

Que faire face à la crise énergétique ? Le tout nucléaire est la solution ?

Baisser le prix de la TVA sur l’énergie à 5,5 %. Décorréler tout de suite le prix de l’électricité du prix du gaz. Remettre en état notre parc nucléaire en urgence. La décision de fermer des centrales n’a été prise que pour de basses considérations électoralistes. Pour récupérer quelques dizaines de milliers de voix des Verts, les gouvernements précédents ont sabordé notre capacité à produire de l’électricité à des prix défiant toute concurrence. Ce n’est pas la guerre en Ukraine ou le patron d’EDF, le problème ! C’est la faute de nos dirigeants si nous sommes dans cette situation. Ce sont des irresponsables et des menteurs qui, de surcroît, sont privés de toute vision d’avenir. On nous parle aujourd’hui de coupures d’électricité, de rationnement… Ils ont « tiermondisé » la France !

Craignez-vous, en cette rentrée, une montée en puissance du mécontentement des Français ?

L’angoisse de nos compatriotes est réelle. Quand on vous parle de services publics et de piscines qui ferment ; quand on voit l’état de l’école, de l’hôpital, de la justice et son laxisme absolument inouï ; quand on voit la situation de l’insécurité… Il n’y a pas un domaine où les choses fonctionnent correctement. Il est donc normal que les Français soient mécontents. Mais s’ils sont mécontents, ils ne sont pas résignés. Ils sont capables de comprendre que ce sont de mauvais choix qui ont entraîné cette situation périlleuse. Il est donc tout à fait possible de reconstruire sur les cendres qu’aura laissées Emmanuel Macron au bout de dix ans de mandat. Mais c’est maintenant qu’il faut y travailler.

« Sur les superprofits, la gauche est d’une hypocrisie rare »

Pourriez-vous participer aux manifestations, lancées par la gauche et les syndicats, en septembre-octobre, pour dénoncer la politique du gouvernement ?

Non. Je considère que lorsque l’on est à l’Assemblée nationale, on combat à l’Assemblée nationale. D’autant plus que je trouve la gauche d’une hypocrisie rare. Quand je vois que la Nupes fait sa rentrée sur la taxation des superprofits, alors qu’elle a refusé de voter notre amendement, en juillet, sur le doublement de la taxation des superprofits pour la porter de 25 à 50 %, c’est crédibilité zéro !

Dans cette nouvelle assemblée, pensez-vous pouvoir peser sur un certain nombre de lois et de projets ? En vous alliant avec d’autres ?

Nous l’avons déjà fait en juillet, en forçant le gouvernement à mettre en place toute une série de mesures auxquelles il était opposé. Moi, je défends l’intérêt des Français. Si cet intérêt nous conduit à voter avec des gens qui font partis d’autres groupes, ça ne me pose aucun problème. Nous ne sommes pas sectaires, nous ne sommes pas comme les LR et la Nupes. Quand quelque chose de positif pour les Français est proposé, nous le votons sans difficulté.

Quelle sera votre position sur la réforme des retraites ?

Nous nous y opposerons de toutes nos forces. Je crois savoir que la gauche s’y opposera également, enfin peut-être, je l’espère, je le souhaite. Et il me semble que LR, qui envisageait cette réforme de manière très positive, vient d’expliquer que son soutien était moins certain.

Comment travaillez-vous au sein du groupe RN ? Y a-t-il des consignes de vote ?

Bien sûr. Nous sommes un groupe, nous travaillons en groupe, nous avons une vision collective du combat que nous menons. Nos députés ont été élus sur un programme extrêmement clair. C’est donc ce projet que nous allons défendre à l’Assemblée nationale, que ce soit sur le plan de l’énergie, dans notre opposition à la réforme de l’indemnisation du chômage, dans notre opposition à la réforme des retraites… Mais comme nous ne sommes pas sectaires, nous voterons en octobre la réforme proposée par le MoDem sur la proportionnelle.

« On va tenir notre rang de première force d’opposition nationale avec énergie. » | MATHIEU PATTIER / OUEST FRANCE

« Le RN n’a pas le droit de tomber dans des divisions stériles »

Quels messages allez-vous faire passer à vos députés durant vos journées parlementaires, ce week-end ?

Vous avez appris à nager en juillet dans le grand bain. Maintenant, on crawle. On va tenir notre rang de première force d’opposition nationale avec énergie. Nous avons déjà toute une série de propositions de lois à soumettre, rédigées par nos députés. Il y a dans ce groupe, beaucoup de profils de possibles futurs ministrables. Les Français vont pouvoir s’en rendre compte.

Le congrès du Rassemblement national aura lieu le 5 novembre. C’est là que le nouveau président du parti sera connu. Entre Jordan Bardella et Louis Aliot, c’est assez tendu, non ?

Les deux candidats se respectent, s’apprécient. Ils sont extrêmement conscients que l’unité de notre mouvement est un élément essentiel de notre victoire future. Nous n’avons pas le droit de tomber dans des divisions stériles. Tous deux sont sur la même ligne politique. J’ai pour eux du respect et de la reconnaissance pour le travail qui a été fait. C’est la raison pour laquelle je resterai neutre dans cette compétition. Ce sont les adhérents qui choisiront en fonction des idées, des projets de l’un et l’autre.

Êtes-vous dans une phase de sursaut des adhésions en marge de ce congrès ?

Oui, bien sûr. L’enjeu intéresse. On ne va pas au cinéma quand il n’y a pas de film. On sent que ce congrès suscite de l’enthousiasme.

« L’union des droites est un concept rabougri, peu ambitieux »

Début octobre, ce seront les 50 ans de la création du Front national. Comment allez-vous accompagner cet événement ?

Il y avait deux choix : celui du festif, mais ce n’est pas tellement dans l’air du temps ; et celui du sérieux. Nous avons fait le choix du sérieux.

C’est-à-dire ?

L’idée est d’organiser un colloque pour expliquer ce qu’a été le Front national, comment il a été construit, quelles étaient ses ambitions, quels ont été ses apports extraordinaires dans le débat politique. Le Front national, puis le Rassemblement national, a contribué à faire émerger de nombreux sujets : l’immigration, la mondialisation dès le début des années 1990, la laïcité, l’Union européenne dont nous avons été pendant longtemps les seuls à critiquer le fonctionnement…

Éric Zemmour a fait sa rentrée dimanche, lors de l’université d’été du parti Reconquête. Croyez-vous en une union des droites ?

Cela fait quinze ans que je n’y crois plus. C’est un concept rabougri, peu ambitieux. Moi, je crois à l’union des patriotes, qu’ils viennent de la droite ou de la gauche. Je l’ai d’ailleurs mise en application dans des territoires historiquement de gauche.

Que va devenir Reconquête, selon vous ?

Ce parti est déconnecté des problèmes quotidiens des Français. Il peut continuer à vivoter pendant des années…Source : ouest-france.fr

Amadou KEITA pour www.g24news.info

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