L’Ukraine est victime d’une guerre voulue par la Russie et ce n’est pas à l’Occident de lui dire quels territoires céder ou ne pas céder pour satisfaire aux exigences du Kremlin, croit Steven Pifer, ex-ambassadeur des États-Unis en Ukraine, membre principal non résident de l’Initiative pour la maîtrise des armements et la non-prolifération à l’Institut Brookings et chercheur au Centre pour la sécurité et la coopération internationales de l’Université de Stanford. La Presse lui a parlé.
Que pensez-vous des dirigeants occidentaux, de même que de l’ancien secrétaire d’État Henry Kissinger, qui suggèrent à l’Ukraine de faire des concessions territoriales à la Russie en échange de la fin des hostilités ?
Je suis contre cette idée. Ce n’est pas à l’Occident de suggérer une telle chose. Si le président ukrainien Zelensky conclut un jour que céder du territoire est une bonne option, c’est une chose. Mais l’Ouest n’a pas à dire quoi faire à l’Ukraine, qui, rappelons-le, est une victime dans cette guerre. L’Occident n’a pas à satisfaire le Président Vladimir Poutine.
Je crois aussi que Zelensky est vraiment attristé par le fait que chaque jour, davantage d’Ukrainiens perdent la vie dans cette guerre. Je crois aussi qu’il veut protéger certains principes, comme celui voulant que les pays ne puissent pas utiliser la force militaire pour modifier les frontières. Et même s’il voulait faire des concessions territoriales, une entente comme celle-là pourrait jouer contre lui si les Ukrainiens devaient juger qu’elle va trop loin.
Pour ce qui est de Kissinger, je crois qu’il a toujours été de l’avis que les petits pays devaient faire des sacrifices pour satisfaire les grands pays. Dans ce cas, c’est assez clair que les Ukrainiens sont prêts à résister. On parle d’une guerre que la Russie a choisi de mener, alors je ne crois pas qu’on doive pousser l’Ukraine à accepter un cessez-le-feu.
Volodymyr Zelensky a même dit qu’il aimerait reprendre tout le territoire ukrainien, y compris la Crimée, annexée par la Russie en 2014. Est-ce possible ?
Je pense que sur le plan militaire, les Ukrainiens ont fait un travail remarquable pour défendre leur pays. Ils ont protégé Kyiv, ils ont mené des contre-attaques à Kharkiv et ailleurs. Mais les Russes font du progrès maintenant dans le Donbass. Même si les Ukrainiens pouvaient les arrêter, est-ce qu’ils pourraient faire la transition pour lancer une contre-offensive majeure pour chasser les Russes de la Crimée ? Ce serait une lutte importante d’aller reconquérir la Crimée. Je n’exclus pas un tel scénario, c’est seulement que c’est difficile à imaginer. Encore une fois, c’est à eux de voir comment ils veulent s’y prendre.
Les pays occidentaux ont livré des armes lourdes à l’Ukraine, mais Kyiv estime qu’il lui en manque encore beaucoup et que l’armée ukrainienne est toujours désavantagée par rapport à l’armée russe. Est-ce que l’Occident est trop frileux ?
Au début de la guerre, l’Ouest était un peu prudent, en partie parce que les gens croyaient que l’Ukraine ne réussirait pas à résister à l’invasion. Ensuite, l’accent a été mis sur l’équipement que l’Ukraine pouvait utiliser rapidement, comme des missiles antichars Javelin, des lance-missiles sol-air Stinger, qui sont faciles à manier. Il y a six semaines environ, à Washington et ailleurs, les mentalités ont commencé à changer. Voyant que la guerre allait durer, on a décidé d’envoyer des équipements qui demandaient de l’entraînement.
Certains de mes collègues ont critiqué l’administration Biden et l’ont accusée de se traîner les pieds, mais je pense au contraire que les choses bougent rapidement. On va voir ce que l’aide de 40 milliards de dollars qui vient d’être approuvée par le Congrès va faire. Ce qui pourrait le plus aider le peuple Ukrainien
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