La guerre en Ukraine aurait des conséquences économiques négative au niveau mondial, a prévenu samedi le Fonds monétaire international (FMI). La flambée des prix des matières premières de l’énergie ajoutent à la poussée inflationniste que connaissait déjà le monde avant l’offensive russe en Ukraine. Alors qu’un accord avec l’Iran sur le nucléaire apportait l’espoir de pouvoir compter sur le pétrole iranien, la Russie pourrait torpiller les négociations. En cas d’enlisement, l’économie de la Fédération Russe pourrait devenir une économie de guerre. L’autorité du kremlin prendrait alors l’essentiel des opérations économiques sous son aile.
C’est ainsi que l’Etat russe semble vouloir aller au bout de sa confrontation avec l’Ukraine, de nombreux pays occidentaux ont pris des mesures de sanctions à son encontre .Tant disque le FMI a qualifié les conséquences économiques au niveau mondial d’une escalade du conflit en Ukraine.
Outre le conflit lui-même, les sanctions occidentales imposées à la Russie auront aussi un impact substantiel sur l’économie mondiale et les marchés financiers, avec des effets collatéraux pour d’autres pays, a également averti le FMI. Même si les prévisions restent soumises à une extraordinaire incertitude, les conséquences économiques sont déjà très sérieuses, constate l’institution.
Le baril de pétrole tutoie les 120 dollars
La flambée des prix de l’énergie et des matières premières en général, avec un baril de pétrole désormais proche de 120 dollars et le prix du mégawattheure (MWh) de gaz qui a dépassé les 200 euros en Europe, ajoutent à la poussée inflationniste que connaissait déjà le monde avant l’offensive russe en Ukraine en raison des conséquences de la pandémie de Covid-19 et d’une crise de logistique mondiale.
« Le bond des prix aura des effets dans le monde entier, en particulier sur les ménages modestes pour lesquels les dépenses alimentaires et d’énergie représentent une proportion plus importante » de leur budget que la moyenne, anticipe le FMI.
Les prix du blé et du maïs explosent
Outre le prix de l’énergie, celui du blé et du maïs explosent. Vendredi, le premier a augmenté de 7,92% à 412 euros la tonne, le second 6,33% à 403 euros la tonne, battant eux aussi des records sur le marché européen. L’Ukraine étant un pays central dans l’approvisionnement de matières premières agricoles. Du côté des métaux, le nickel a dépassé la barre des 30.000 dollars la tonne, une première depuis 2008.
Sur le terrain, les combats continuent. L’armée russe a attaqué à nouveau samedi le port stratégique de Marioupol et continuait d’avancer ailleurs en Ukraine, avec toujours de féroces combats autour de sa capitale Kiev.
« En raison de la réticence de la partie ukrainienne à influer sur les nationalistes ou à prolonger le ‘cessez-le-feu’, les opérations offensives ont repris depuis 18H00, heure de Moscou », soit 15H00 GMT, a déclaré le ministère russe de la Défense.
Arsenal de sanctions
La Russie possède une réserve auprès de sa Banque centrale de 630 milliards de dollars : 130 milliards de dollars en or physique et 500 milliards de dollars en réserves étrangères (dollar, euro, yuan). Les Occidentaux le savent et c´est pour cette raison qu´ils ont décidé de geler ses avoirs. La conséquence directe est que la Russie n’a plus accès à son épargne détenue par des Banques centrales ou des États en monnaies étrangères ou en or. Ses réserves en yuan et en or lui permettent de garder la main sur environ un tiers de ses réserves. Précisons que la monnaie chinoise ne représente que 13 % du total.
La Russie vit aussi son exclusion du système de messagerie interbancaire Swift. Les banques russes sont donc paralysées puisque Swift leur permet de faire des transactions à travers le monde.
En ce qui concerne la haute technologie, l’Union européenne, les Etats-Unis, le Canada et le Japon ont restreint les exportations de logiciels.
Les conséquences sur la Russie
Le gouvernement russe a décidé que les transferts de devises à l’étranger ne sont plus permis. De plus, les exportateurs doivent convertir en roubles 80 % de leurs recettes en devises étrangères gagnées depuis le 1er janvier 2022 et maintenir ce ratio de 80 % d´avoir monétaires en roubles dans les mois qui viennent.
Le rouble s’est effondré cette semaine face au dollar et à l’euro. La conséquence est que des banques russes risquent la faillite. La Banque centrale russe a, par ailleurs, annoncé relever son taux directeur de 10,5 à 20%. Le financement par le crédit deviendra donc plus cher. Les transferts de devises hors des frontières sont désormais interdits car de nombreux Russes ont retiré leur épargne bancaire.
La dynamique inflationniste, présente partout dans le monde, est particulièrement forte en Russie dans le contexte post-Covid. Le rouble ne cesse de dévisser face au dollar et à l’euro car il y a une perte de confiance dans la monnaie russe du fait de la situation géopolitique. Le problème de l’inflation existait déjà car elle était de 8% fin 2021. Durant l´année civile 2021, la Russie a relevé sept fois ses taux directeurs. Cela prouve la fragilité structurelle du système. Un effondrement du cours du rouble ajouterait une hausse des prix problématique sur les produits importés. Vladimir Poutine comptait sur ses réserves pour soutenir sa monnaie, mais ils ont été gelés. Selon l´économiste Ano Kuhanathan, ce conflit devrait ralentir la croissance russe en 2022 avant une récession en 2023, malgré une augmentation forte probable des prix de l’énergie.
Impact mondial
Tout cela aura bien évidemment un impact mondial dans une économie globalisée et interdépendante.
Selon l´économiste Bruno De Moura Fernandes, “cette guerre aura également un impact sur l’économie mondiale. Certains pays ont annoncé qu’ils arrêteraient les exportations de certains biens, notamment technologiques vers la Russie. Ces pays étant importateurs de produits intermédiaires, leurs fournisseurs seront également affectés.
Les chaînes de production étant mondiales, les effets se répercutent in fine dans un grand nombre de pays”. Steve Schifferes, chargé de recherche au City Political Economy Research Center de Londres, cette guerre intervient “à un moment délicat pour l’économie mondiale, qui commençait à peine à se remettre des ravages du Covid-19.
La guerre enclenchée par la Russie pourrait avoir des conséquences économiques considérables, alors que les marchés financiers s’effondrent et que le prix du pétrole s’envole”. Il compare la situation avec celle de 1973 après la guerre du Kippour, qui a provoqué une crise pétrolière. L’économie avait été touchée au niveau mondial.
Des conséquences économiques sont à craindre au niveau européen particulièrement, en raison de sa grande dépendance à l’égard des approvisionnements russes en énergie. Ce pays est le plus grand fournisseur de gaz et de pétrole de l’UE. La hausse probable des prix se traduira par une augmentation du prix des transports, donc des marchandises. A cela s´ajoutera une augmentation du prix du chauffage et de l´essence. Sans oublier que la Russie et l’Ukraine jouent un rôle majeur sur le marché des céréales. La Russie est le premier producteur mondial de blé et l’Ukraine est le quatrième exportateur mondial de maïs et le troisième exportateur de blé. Depuis la semaine dernière, les cours boursiers des céréales ont donc flambé.
Une crise prolongée pourrait aussi faire basculer l´économie globale dans la stagflation, ce qui serait le pire scenario. La combinaison d’une inflation élevée et d’une faible croissance du PIB.
Combien de temps la Russie peut-elle tenir ?
L’historien Edward Luttwak avait soutenu en 1995 que la guerre économique était la transposition de la compétition entre les puissances sur un terrain différent. Les conflits d’intérêts entre Etats ne peuvent désormais trouver une expression que sur le terrain économique. Le temps des conflits associés aux conquêtes territoriales est révolu, selon lui. Ce qui se passe depuis plusieurs jours en Ukraine nous prouve le contraire. Le directeur de l’école de guerre économique en France, C. Harbulot expliquait lui, en 1992, que la compétition économique est devenue le principal terrain d’affrontement dans la recherche de puissance.
L’Europe compte pour 45% des échanges économiques de la Russie. Ils vont se réduire mais ne cesseront pas totalement contrairement au discours des dirigeants européens. Notons que la Russie a une grande diversité de partenaires économiques. La Chine est son deuxième partenaire. Des échanges importants existent également avec l’Inde, la Turquie et de nombreux pays africains.
Malgré son poids géopolitique indéniable, du fait d´une diplomatie volontaire et d´une armée puissante, sa situation économique est plus fragile. Comme le souligne Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management de Paris, « les trois petits pays du Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) ont un PIB plus élevé que celui de la Russie ».
Les causes de sa fragilité économique sont nombreuses. Il y a un véritable déclin démographique, une faible productivité du travail, un manque d’investissement afin de diversifier l´économie, entre autres. Sa force est sans aucun doute sa forte exportation de pétrole et de gaz. Elle est aussi sa faiblesse quelque part car elle représente 40 % des recettes du budget national et 60 % de ses exportations.
En cas d’enlisement, l’économie russe pourrait devenir une économie de guerre. L’Etat prendrait alors l’essentiel des opérations économiques sous son aile. Actuellement, l’Etat représente environ 40% du PIB. La Russie possède un fonds souverain de 185 milliards de dollars. Pourra-t-elle en utiliser une partie ?
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