Depuis son retour en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo doit relever deux défis majeurs : reconquérir son influence politique et s’implanter dans le Nord, bastion historique de son rival Alassane Ouattara.
Cette région, épicentre de la rébellion de 2002, reste un front idéologique et électoral complexe pour l’ancien président. À 78 ans, Gbagbo est résolu à renverser la situation. Et pour la première fois, il n’est plus seul dans ce combat
Une conquête semée d’embûches
Depuis la crise post-électorale de 2010-2011, le Nord demeure largement acquis au pouvoir en place, en grande partie en raison des liens ethniques et religieux qui unissent cette région à l’actuel régime.
Lors des dernières élections locales, l’ancien chef de l’État avait d’ailleurs évité cette partie du pays, en raison de la forte résistance aux tentatives d’implantation du PPA-CI.
L’incident de février 2023 à Kani, où des jeunes proches du RHDP ont empêché la tenue d’activités du parti de Gbagbo, en est une illustration. Pourtant, au sein du parti panafricain, on reste convaincu que le septentrion n’est pas une terre hostile à Gbagbo.
« Beaucoup veulent séparer Laurent Gbagbo du Nord, mais c’est peine perdue », assure Sébastien Dano Djédjé, cadre influent du parti.
Pour prouver sa volonté de reconquérir cette région, le PPA-CI a organisé sa première rentrée politique à Korhogo, les 2 et 3 mars 2024. Un signal fort, même si l’événement n’a pas encore produit de résultats tangibles en termes d’adhésion populaire.
Si certains cadres du parti saluent une avancée stratégique, d’autres reconnaissent que la méfiance persiste. Face à ces réticences, Gbagbo semble changer de stratégie en misant sur une nouvelle figure pour porter son message à quelques mois des élections présidentielles.
Nady Bamba, l’arme secrète ?
Depuis plusieurs mois, Nady Bamba ne cesse de prendre de l’ampleur dans l’entourage de Gbagbo. Musulmane et originaire du Nord-Ouest (Touba), l’épouse du président du PPA-CI bénéficie d’un profil idéal pour incarner une ouverture vers cette région. Bien que sans fonction officielle au sein du parti, elle occupe le terrain politique avec une activité débordante.
De Yopougon à Attécoubé, en passant par Abobo et Songon, elle multiplie les tournées de remerciement et n’hésite pas à répondre aux polémiques. Cette médiatisation croissante en fait une figure incontournable du parti, au point même de reléguer ces dernières semaines Laurent Gbagbo lui-même au second plan.
« Nady Bamba est une chance pour le parti, car elle ouvre des portes que d’autres n’auraient jamais pu franchir », confie un député du PPA-CI.
La stratégie de Laurent Gbagbo semble claire : placer Nady Bamba sous les projecteurs pour conquérir des territoires où son image reste entachée par des décennies d’oppositions politiques. Dans un pays où l’origine ethnique et l’appartenance religieuse jouent un rôle crucial dans le vote, ce choix pourrait s’avérer payant en contournant les blocages traditionnels.
Reste à savoir si cette méthode suffira à fissurer la forteresse du Nord et inverser le rapport de force
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