Les constats deviennent de plus en plus amers et l’espoir de plus en plus minime du jour au lendemain concernant la réussite de la transition politique en cours en République de Guinée. Tout cela lié au statuquo dans toutes actions tendant à la conduite de la transition.
Depuis le 5 septembre dernier, date de la prise du pouvoir par le CNRD jusqu’à ce jour, les choses vont au sens unique et l’espoir s’obscurcit chez plus d’un quant à une issue heureuse de cette transition.
Plusieurs initiatives des autorités de la transition sont saluées par la population, mais la manière dont elles sont opérées sur le terrain fausse tout, ce qui fait que la population n’arrive pratiquement plus à comprendre l’évolution des choses par le CNRD. Je cite quelques-unes : l’opération de récupération des biens et des domaines de l’Etat, la lutte contre la corruption, le détournement, le blanchiment d’argent et la complicité à travers la CRIEF, la mise en place du comité national des assises pour la VÉRITÉ et le PARDON, la création d’un cadre de dialogue inclusif sont entre autres ces belles initiatives, mais qui sont en train d’être biaisées à travers la méthode, la forme et le cadre adopté à cet effet. À cela s’ajoute la difficile vie que la population traverse aujourd’hui; partout ça crie à la vie chère en Guinée.
Parlant un peu des assises nationales qui ont débuté le 22 mars dernier. Les partenaires au développement avaient décidé d’accompagner l’initiative pour sa réussite avec une enveloppe de 3 millions de dollars, mais malheureusement le cadre et le timing de ces assises nationales ne représentaient absolument rien aux yeux de ces partenaires; finalement la Guinée a perdu cet important montant. Une telle initiative ne peut vraiment pas se faire en un mois, ce type d’initiatives de VÉRITÉ et PARDON ne s’est jamais déroulé en un mois partout où ça eu lieu.
Et c’est pendant ces assises nationales de VÉRITÉ et PARDON malheureusement que le CNRD a forcé le retour du professeur Alpha Condé, l’ancien président de la République, contre son propre gré et en plein mois de ramadan dans un pays à majorité musulmane. Que les guinéens continuent à se dire la vérité et à se pardonner ?
Toujours avec les assises nationales, depuis le lancement sauf erreur de ma part, c’est juste hier vendredi que les TDR ont été finalisés et présentés et il ne reste pas plus de deux semaines pour la fin de ces assises nationales.
Avec une telle précipitation sans repère valable par les autorités et le boycott des acteurs majeurs de la vie publique en Guinée, on serait en mesure de dire que ces assises nationales n’auront pas de résultats qu’on aurait souhaités.
Quant au dialogue inclusif qui a ouvert également ses portes ce vendredi 15 avril 2022, il a été boudé par une frange importante de la classe politique et de la société civile. Ce qui veut dire que l’éléphant annoncé est arrivé avec ses trois pieds cassés.
Les signes de l’ouverture de ce cadre inclusif de concertations ne sont pas bons pour une bonne transition. N’étaient présents à cette ouverture du dialogue, à part des membres du CNRD et du gouvernement, que des acteurs politiques qui ne représentent pas plus de 10% des guinéens.
Concernant la détermination de la durée de la transition, les voix commencent à délirer sur ce sujet dont tout le monde est à l’écoute. Tandis que l’article 77 de la charte de la transition est très clair là-dessus :« la durée de la Transition sera fixée de commun accord entre les Forces Vives de la Nation et le Comité National du Rassemblement pour le Développement.»
Ce qui veut dire clairement que ce n’est pas au CNT de fixer la durée de la Transition, parce qu’il ne représente pas les Forces Vives de la Nation. Puisque même au sein du CNRD, il semble avoir une confusion autour de ça.
À l’allure des choses, mes inquiétudes sont de plus en plus grandissantes quant à la conduite de la transition.
Aucun pouvoir quelle que soit sa nature ne peut atteindre ses objectifs en ayant tout le monde sur le dos. Aujourd’hui, ceux qui étaient avec le CNRD aux premières heures de sa prise du pouvoir (l’opposition d’alors) sont en fronde avec lui; ceux qui ont été déchus du pouvoir par le CNRD (RPG arc-en-ciel et alliés) sont en fronde avec lui; une frange importante de la société civile (FNDC) est en fronde avec lui et la population, qui tire le diable par la queue, se trouverait entre la désillusion et le désenchantement.
Le savez-vous que depuis le coup d’état du 5 septembre 2021 jusqu’à ce jour la Guinée n’est pas encore rentrée dans la phase de la transition ? Car, une transition politique est une période d’exception bien définie avec toutes ses grandes lignes connues de tous du début jusqu’à la fin. Mais, depuis un peu plus de 7 mois rien n’est encore moins clair quant à la visibilité sur la transition.
Pour l’heure mes impressions ne sont pas bonnes. Les choses doivent se passer dans les règles de l’art, si on veut tous (civils et militaires) que la transition réussisse.
Pour le salut de la République, il faut, de la part des autorités de la transition, que le statuquo militaire, le jeu de m’as-tu-vu, de duperie et du forcing s’arrêtent. On ne peut pas refaire la Guinée sans la majorité des guinéens. Qu’on ne TROMPE pas le COLONEL sur l’essentiel.
Si on veut faire avancer les choses comme nous a fait croire le CNRD, on doit le faire avec l’ensemble des guinéens, quel que soit le type du pouvoir, pour ne pas qu’on soit heurté demain à des choses qui pourront nous être difficiles à résoudre.
Au Président colonel, Mamadi Doumbouya, tant que vous disposez le pouvoir, vous êtes adulé. Tout le monde vous fait les yeux doux parce que vous détenez quelque chose que tout le monde cherche. Donc, ne tombez pas dans les sirènes d’une transition monotone et sans repère.
Ibrahima Kallo, juriste
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